Dossier: le sommeil

Dossier: le sommeil
Que faites-vous, la nuit?
Rédaction et photographie: Patricia Stasse, Sophie Muller et Geneviève Vandenhoute, illustration: Benus
Nous passons environ 1/3 de notre vie en dormant. La science n’a pourtant toujours pas révélé pourquoi nous dormons. Le consensus général est que notre capacité d’apprentissage se répare et que notre capacité de générer de nouveaux souvenirs est renforcée. Nous savons de personnes qui ont essayé de battre le record du monde de rester éveillé (le record documenté officiellement est de 11 jours), qu’un manque de sommeil porte sévèrement atteinte à nos aptitudes cognitives et peut susciter des hallucinations. Donc, le sommeil est sans aucun doute essentiel pour notre santé. Approches a parlé avec le Dr Zahi Zaarour des troubles du sommeil et avec Eric Coudreau d’IDEWE du travail de nuit. Nous nous sommes également informés auprès de quelques collaborateurs pour savoir quelles sont leurs habitudes de sommeil et comment ils gèrent le travail de nuit.
Troubles du sommeil : causes, symptômes et traitement
Dr Zahi Zaarour : « Les troubles du sommeil touchent de plus en plus de personnes et affectent grandement leur qualité de vie. De natures et d’origines diverses, ils peuvent toutefois être atténués par des traitements et quelques bonnes habitudes. Hormis les ‘petits dormeurs’ et les ‘grands dormeurs’ les insomnies désignent des difficultés, occasionnelles ou chroniques, à s’endormir ou à dormir convenablement et confortablement. Elles concernent la qualité et la durée du sommeil et se trouvent être un souci assez fréquent, qui touche autant les adultes que les enfants.
Les symptômes
Parmi les symptômes, il y a les difficultés d’endormissement, les éveils au cours de la nuit, un sommeil trop léger ou superficiel, un sommeil irrégulier, des cauchemars, etc.
- Généralement, les personnes qui sont sujettes à une insomnie souffrent de fatigue, de somnolence, de troubles de la concentration, de troubles de la mémoire, de l’irritabilité, de l’anxiété et même de la dépression si le problème est chronique.
- L’hypersomnie désigne un sommeil excessif et irrégulier. Il s’agit d’un sommeil qui engendre des difficultés à se lever le matin et une fatigue pendant la journée.
- Les parasomnies désignent des comportements anormaux pendant le sommeil ou au moment de l’éveil : le somnambulisme (la réalisation d’une action lors du sommeil lent profond comme marcher et parler. Ces actions sont parfois dangereuses, comme avoir un comportement agressif à l’égard de l’autre, mais aussi de la personne elle-même. Le patient ne se souviendra pas de ce qu’il a fait) ; les terreurs nocturnes de l’enfant (après deux ou trois heures de sommeil, l’enfant est pris par une crise d’angoisse inconsciente, pleurs, hurlements) ; l’éveil confusionnel de l’enfant (pendant ou après le réveil) ; les parasomnies du sommeil paradoxal (cauchemars, troubles du comportement et des paralysies lors du sommeil) ; les rythmies d’endormissement (mouvements violents au cours du sommeil) ; les hallucinations hypnagogiques (troubles sensoriels comprenant des hallucinations visuelles, des hallucinations auditives ou des hallucinations kinesthésiques) ; la somniloquie (parler pendant le sommeil) ; le bruxisme (grincer des dents pendant le sommeil lent léger).
Causes
Les troubles du sommeil peuvent être dus à des facteurs psychologiques relatifs à la vie quotidienne comme le stress lié au travail, l’anxiété excessive ou les traumatismes dus à des chocs émotionnels. Des causes liées à des affections mentales. La dépression, chronique ou saisonnière, engendre généralement une hypersomnie. Un sommeil perturbé peut être également dû à une cause physiologique telle qu’une nutrition déséquilibrée (un repas trop riche la nuit, café ou alcool), des médicaments présentant des effets secondaires ou une activité sportive intense peu de temps avant de dormir. Des facteurs comme le bruit, une luminosité intense ou la chaleur sont également susceptibles de perturber le sommeil. Les maladies comme les apnées du sommeil, la grippe, la fièvre, la migraine et les pathologies douloureuses peuvent provoquer un trouble du sommeil. Par contre, quelques troubles tels que la narcolepsie peuvent avoir une origine génétique.
Traitement
Le traitement du trouble de sommeil dépend de son type et de ses origines (conseils hygiène de sommeil et hygiène de vie (alimentation, activités), psychoéducation, séances de relaxation, traitement de la pathologie sous-jacente au trouble du sommeil, médicaments hypnotiques pendant une durée bien limitée, médicaments antidépresseurs bien prescrites et bien suivis par un psychiatre).
Ce qu’ils font pour promouvoir le sommeil
Viviane Paul, service des achats, CNP Saint-Martin à Dave
« Au lever, je suis toujours de bonne humeur »
« Mon sommeil est très court et cela n’est pas nouveau, même durant mon enfance il en était ainsi. En général, je dors entre 4 et 6 heures par nuit et cela me suffit pour récupérer. Au lever, je suis toujours de bonne humeur ! Contrairement à mon fils ainé, qui lui a un rythme bien différent et a besoin de nombreuses heures de sommeil au risque d’être plutôt grognon à l’heure du petit déjeuner… Le plus jeune, quant à lui, est comme moi.
Pour m’occuper et passer le temps, je réfléchis, j’écris, je lis, je tricote, je réalise des puzzles, je regarde la télévision… Ceci dit, cela dépend aussi des saisons. Il m’arrive en hiver, lorsque les températures sont plus froides, de profiter un peu plus sous la couette.»
Viviane travaille au CNP St-Martin depuis une vingtaine d’années. D’abord occupée au service hôtellerie et à l’entretien, elle a rejoint le service des achats depuis 2010.
Valentine Olivier, éducatrice Maison Sensorielle, Centre Saint-Lambert à Bonneville
« Une personne très tendue parviendra plus difficilement à lâcher prise »
« La réflexologie plantaire consiste en un massage du pied qui vise à toucher une zone spécifique qui est associée à une partie du corps. En effet, le corps entier est représenté sur le pied, tout est connecté, chaque geste posé agit et faire circuler l’énergie. En soit, la réflexologie plantaire n’a pas un but direct qui mène à l’endormissement. Elle permet plutôt de lâcher prise, de diminuer les tensions. Ensuite, les répercussions que le massage a sur la personne peuvent varier grandement d’une personne à l’autre. Il y en a qui sont ouvertes et donc réceptives. Une personne très tendue parviendra plus difficilement à lâcher prise. Ma dernière expérience avec un usager m’a démontré les bienfaits et la complémentarité que la réflexologie peut avoir avec mon métier. L’usager était mélancolique, il ne savait pas où et comment se mettre, il faisait les 100 pas dans la maison … Je l’ai aidé à s’asseoir, enlevé ses chaussures, mis de l’huile sur mes mains et commencé le massage. De suite, ses orteils se déplient… La magie opère. Tout le long du massage, il s’est détendu peu à peu, pour finir endormi… »
Valentine Olivier a obtenu son diplôme de réflexologue en juin dernier. Durant sa formation, elle a eu l’occasion de pratiquer sur les usagers.
Mathilde Richardin, CNP Saint-Martin à Dave
« Une journée chargée, un trop plein de stress, une vie menée à l’allure d’un pilote de formule 1,… et une mauvaise nuit nous guette »
«’Rêver un impossible rêve’ : voilà les tous premiers mots d’une chanson de Jacques Brel, ‘La quête’. Même si ce magnifique texte n’a rien à voir avec le repos, interprétation toute personnelle, le grand Jacques me semblait poser une nécessité, un impératif: pour rêver, il convient d’abord de s’endormir. Dormir, bien dormir, justement, il s’agit d’un rêve pour beaucoup d’entre nous car l’insomnie constitue une maladie propre à notre époque et qui touche des personnes de tous les âges. Pour ma part, j’ai l’impression que l’insomnie se ‘prépare’ du petit matin jusqu’à la soirée. Une journée chargée, un trop plein de stress, une vie menée à l’allure d’un pilote de formule 1,… et une mauvaise nuit nous guette.
Le jour déclinant, ouvrons notre ‘valise’ afin d’y insérer l’ensemble de ce contenu que constituent les petits et grands problèmes vécus et qui risquent d’avoir une incidence sur le sommeil. Comment ? Coupons-nous durant quelques minutes du monde et de ses contraintes afin de n’en retenir que les meilleurs moments. Ils sont nombreux, convenons-en mais souvent, ils cèdent la place aux broutilles qui retiennent plus amplement notre attention. Que nos pensées soient positives au crépuscule de notre journée. Osons le mot, même s’il apparaît désuet, plongeons-nous dans une forme de spiritualité. Vocable que j’invoque sans connotation aucune car pour moi, elle est individuelle. La vie intérieure, toute personnelle qu’elle soit et par conséquent, si différente d’un individu à l’autre, peut amener calme et sérénité et ainsi préparer au repos. Elle est profonde et naturelle. Bien mieux que les somnifères qui, certes aident à dormir mais de manière tellement artificielle. Ainsi, je m’éloigne chaque jour quelques minutes avant de me mettre au lit pour une rencontre avec… moi-même basée sur l’authenticité. Se donner les moyens de se ‘retrouver’ afin de comprendre où l’on en est.
Rien d’égoïste dans cette démarche dans la mesure où j’ai vécu la journée en compagnie des autres : des patients, de mes collègues et revenue à la maison, des membres de ma famille. Puisque chacun, nous prenons du temps à nous dévouer aux autres, pourquoi ne pas aussi le faire, à notre manière, aussi avec nous-mêmes ? Et, je l’avoue, mes nuits, le plus souvent sont paisibles probablement parce que, depuis des années, j’ai mis au point ce mécanisme qui, pour ma part, fonctionne à merveille. Je vous le recommande, l’essayer, c’est adopter. »
Nadine Grauwels, médecin coordinateur à Centre Saint-Lambert à Bonneville
« Avant une prescription de somnifères, les observations de l’équipe de nuit ont alors une importance capitale »
« Des problèmes de sommeil rencontrés par des usagers du Centre Saint-Lambert sont quelques fois rapportés auprès des médecins. Avant une prescription de somnifères, les observations de l’équipe de nuit ont alors une importance capitale : les informations précises sur l’heure du coucher, d’endormissement, d’insomnie, de comportements inadéquats. Aussi, d’autres pistes sont envisagées : aller dormir plus tard ou se lever plus tôt et permettre, par exemple, à l’usager de regarder la télévision.
Nous sommes dans l’individualisation du soutien que nous apportons aux usagers, ce qui peut demander des changements d’organisation. »
Le travail de nuit : tuyaux et dangers
Eric Coudreau, Conseiller en Prévention externe (Idewe), CP St-Bernard à Managee
« Si notre corps est actif la nuit, l’horloge biologique peut se dérègler »
Eric Coudreau : « Au CP Saint-Bernard, 1/10 des membres du personnel travaille la nuit. Le travail de nuit a une influence sur notre horloge biologique. En effet, avec la lumière, notre système biologique et hormonal se mettent en marche et notre corps se ‘réveille’. Quand le soleil se couche et que l’obscurité arrive, notre corps libère de la mélatonine, aussi appelée hormone du sommeil, pour faciliter l’endormissement. Si notre corps est actif la nuit, l’horloge biologique peut se dérègler. Par exemple, ceux qui travaillent la nuit dorment une à deux heures de moins par jour que la normale. De plus, notre système digestif n’a pas été conçu pour fonctionner la nuit. La digestion peut être plus difficile. »
Voici quelques conseils santé d’Idewe pour mieux supporter le travail de nuit
- Trouver son rituel de sommeil
Aller se coucher immédiatement en rentrant du travail.
Peut-être avez-vous déjà entendu parler du train du sommeil ou l’avez-vous peut-être déjà raté alors que tous les signes de son entrée en gare étaient pourtant évidents.
Le sommeil peut se résumer à une locomotive tractant plusieurs wagons définissant chacun le degré de votre endormissement. Certains wagons vous permettront de voyager dans un état de sommeil tantôt léger, profond, ou alors de rêver tout simplement. Dormir représente plusieurs cycles et donc plusieurs passages de locomotives, toutes prêtes à vous embarquer pour un voyage d’environ 90 minutes chacune. Et comme il n’est pas bon de rater son train, rappelons que rien ne sert de courir ; il faut partir à point.
- Gérer la luminosité
Porter des lunettes de soleil lors du trajet de retour ver la maison, plonger la chambre dans le noir ou porter un masque sur les yeux. Il est parfois intéressant de penser aux éléments occultants que l’on peut ajouter aux rideaux ou stores de sa chambre à coucher. Ceux-ci permettent de bloquer totalement la lumière du soleil. Ces matériaux sont en effet dotés d’une couche spéciale qui selon leurs propriétés peuvent également être d’excellents isolants thermiques et garder votre chambre suffisamment fraîche en été.
- Diminuer le bruit ambiant
Eteindre le téléphone, débrancher la sonnette de la porte d’entrée, utiliser des bouchons d’oreilles… Arranger la disposition de sa chambre dans la maison et la préserver des bruits extérieurs et intempestifs (ou saisonniers) est également utile. Parfois dormir provisoirement dans une autre pièce peut nous épargner du balai incessant d’avions en période de vacances, surtout quand la chambre se trouve en sous toiture. Et lorsque le voisin a décidé de sortir sa tondeuse à gazon, il vaut mieux éviter tout énervement et préserver une politique de bon voisinage. A l’attention des adeptes du commerce en ligne, n’oublions pas la possibilité de dévier ses livraisons au bénéfice des points de retrait. Entretenir de bonnes relations avec son voisinage peut aussi servir à cela.
- Ne pas oublier de manger et à heures fixes
Le corps a besoin de carburant pour pouvoir fonctionner. Il est important d’avoir des habitudes alimentaires régulières, surtout lorsqu’on travaille de nuit. Dans la mesure du possible, il faut essayer de prendre les repas chaque jour à la même heure, tout en respectant une structure de trois repas principaux par jour. Pendant le service de nuit, n’oubliez pas de manger quelque chose: mieux vaut choisir un repas facile à digérer. En effet, la digestion de repas lourds et riches en graisses demande plus d’énergie la nuit, ce qui peut vous épuiser. Au début de votre service, choisissez des aliments riches en protéines comme du yaourt, des viandes maigres ou des noix (vous avez besoin de protéines pour rester éveillés et alertes). A la fin de votre service, en revanche, mangez plutôt des aliments riches en glucides, comme du pain, des pâtes, des céréales ou des fruits. Ce type d’ingrédients favorise votre sommeil.
Une alimentation plus riche en fibres va permettre d’augmenter la durée de la phase profonde du sommeil, celle qui justement favorise la récupération de la fatigue physique accumulée durant le travail. On les retrouve dans les fruits, les légumes et aussi les céréales. Et en ce qui concerne les quantités, n’oublions pas ce qu’y circule tout autour : « les gros mangeurs sont de petits dormeurs ».
Attention toutefois au grignotage entre les repas qui peut avoir tendance à composer les nuits lorsque le temps paraît fort long. Comme de jour, il faudra garder raison et se dire que cette fringale-là n’est qu’une sensation passagère.
- Les sucres rapides favorisent la fatigue.
Les bonbons, les boissons rafraîchissantes, les aliments riches en sucre et les boissons énergisantes créent des pics de glycémie, ce qui a pour effet d’augmenter votre fatigue. Ils sont donc à éviter.
6. Avant d’aller au lit, il peut être tentant de vite surfer sur son smartphone ou sa tablette.
En plus d’être exposé à une lumière artificielle pas nécessairement propice au sommeil, il est possible que les informations dont nous nous imprégnons ne soient pas compatibles avec un endormissement dans des conditions sereines.
Ce qu’ils pensent du travail de nuit
Laurence Mangal, l’Unité de Soins, CP Saint-Bernard à Manage
« J’aime faire le tour de tous les patients et avoir un petit mot pour chacun »
« Cela fait 34 ans que je suis arrivée au CP St-Bernard et 30 ans que j’y travaille de nuit. Mon mari et moi-même trouvions que cet horaire était plus compatible avec notre vie de famille et me permettait surtout d’être plus disponible pour mes enfants. A l’époque, Gaëlle avait 2,5 ans et Elodie était tout bébé. 30 ans plus tard, les raisons restent dans l’ensemble les mêmes mais sautent une génération : être plus disponible pour mes petits-enfants. Depuis une dizaine d’années, mon époux travaille également la nuit, aussi au CP St-Bernard. Cela nous permet de travailler au même rythme, de profiter pleinement de notre semaine de récupération (j’insiste sur ce terme), de faire des city-trips dont nous sommes tous les deux très adeptes.
J’aime le travail de nuit dans le sens où, et cela peut sembler contradictoire, c’est un travail plus relationnel. Lorsque je commence ma nuit, je ressens le climat de l’Unité de Soins et je m’adapte. Ensuite, j’aime faire le tour de tous les patients et avoir un petit mot pour chacun. Il y a également moins de contraintes dans l’organisation de la nuit, ce qui rend possible le fait de s’occuper plus longtemps d’un patient qui en exprime le besoin.
Avec l’expérience, je constate que la charge de travail (due à un turn-over plus fréquent des patients), l’agressivité ou encore les tensions des patients est parfois difficile à assumer seule.
Depuis que je suis passée dans l’équipe mobile de nuit, cet aspect relationnel est malheureusement moins évident : vous ne connaissez pas tous les patients, leurs habitudes et encore moins leurs souhaits et leurs réactions, les règlements d’ordre intérieur des Unité de Soins sont différents… Ne pas toujours savoir dans quel environnement je vais allez travailler est pour ma part assez anxiogène.
Je constate aussi que le travail de nuit a quand même un impact sur ma santé : mon sommeil est perturbé, je m’habitue à dormir beaucoup moins et il en va de même lors de la semaine de récupération où les coups de pompes sont plus fréquents. Mon rythme alimentaire est aussi un peu modifié. »
En résumé, travailler de nuit, me permet de concilier un travail que j’aime et une vie de famille épanouissante. Je pense également que mes enfants n’ont pas été dérangés par ce rythme puisque ma fille ainée travaille elle aussi la nuit. »
Vallie Michelangeli, Service Facturation, CP Saint-Bernard à Manage
« Au retour de l’école des enfants, il avait le temps d’en profiter avec eux »
« Mon compagnon a travaillé 18 mois de nuit. Il faisait 7 nuits et puis il avait 7 jours de récupération. Il commençait à 21h et terminait à 7h. Au niveau de l’organisation, son horaire avait un côté pratique car en revenant peu après 7h, il lui était possible de conduire et d’aller rechercher les enfants à l’école. Entre les deux, il dormait. Au retour de l’école des enfants, il avait le temps d’en profiter avec eux. Pendant le week-end et les congés scolaires, c’était plus ennuyant car toute la famille était à la maison et lui dormait donc, on ne savait pas en profiter ensemble avant l’après-midi. Au niveau du couple, on se voyait peu. Je rentrais à la maison vers 17h et lui partait déjà vers 20h30. Le fait de faire les nuits a eu des conséquences sur son sommeil. Basculer de dormir le jour à travailler la nuit a été difficile. De plus, il avait du mal à récupérer pendant sa semaine de repos. Quand il faisait les nuits, mon sommeil était un peu perturbé : je n’étais pas à mon aise, je dormais moins bien (j’étais seule avec notre fille qui était en bas âge à ce moment-là).
Maintenant, il ne fait plus les nuits et nous préférons son travail de jour. D’une part, nous faisons +/- les mêmes horaires et, d’autre part, c’est beaucoup mieux pour la vie familiale et la relation avec les collègues car, de nuit, on est seul. »
Nathan Nihoul, éducateur Maison Ancrage, Centre Saint-Lambert à Bonneville
« Jusqu’à présent, je gère facilement les changements de rythmes »
« Educateur au CSL, au pavillon Saint-Louis, depuis 2016, je fais les 3 pauses depuis janvier 2019. Au niveau de l’horaire de jour, je travaille, en alternance, une semaine de 7h à 15h et une semaine de 13h à 21h. Je preste la nuit, environ tous les deux mois. Je travaille durant 7 nuits. Avant cette période, j’ai 4 jours de congé qui permettent de se préparer à effectuer les nuits, ainsi que 4 jours de congé à la suite. Je préfèrerais avoir seulement un ou deux jours de congé avant la période de nuit et avoir plus de jours de récupération à la suite. Je n’ai jamais été un ’gros dormeur’, donc après la période de nuit, je n’ai pas besoin de sieste.
Après mes prestations de nuit, habitant à Andenne et n’ayant pas d’obligations familiales, dès que je rentre chez moi vers 7h15, je vais dormir jusque 13 heures. Ensuite, je vaque à mes occupations et j’essaie de faire une sieste de 18h à 19h30 avant de commencer à 21h. Jusqu’à présent, je gère facilement les changements de rythmes. Après les 3 premières nuits de travail, il m’arrive d’avoir un coup de pompe vers 4 heures. Dans ce cas-là, je m’occupe du linge ou d’un usager qui se manifeste.
Je mange avant d’aller travailler, je ne mange pas la nuit mais je bois beaucoup d’eau. La 2e nuit est toujours plus difficile, comme si le corps comprenait que le rythme a changé. Les 2 dernières nuits sont aussi plus compliquées parce que la fatigue s’est accumulée. Quoi qu’il en soit, le fait de travailler la nuit, procure moins d’heures de sommeil que si l’on fait juste un horaire de jour.
Pendant une période, ayant des difficultés à m’endormir, je prenais un somnifère le matin pour m’aider à trouver le sommeil. Ce que je ne fais plus aujourd’hui car je ne voulais pas entrer dans un engrenage. Je regarde des vidéos sur mon téléphone, cela m’aide à m’endormir. »
Martine André, Service admissions, CP Saint-Bernard à Manage
« On apprécie les moments seul et on apprécie d’autant plus les moments ensemble »
« Mon mari travaille de nuit depuis plus de 20 ans. Il travaille 7 nuits et à 7 jours de récupération ensuite. Au quotidien, ce type d’horaire nous convient très bien à tous les niveaux et ce, depuis le début. Pour durer un couple a besoin de moments seul ; avec son horaire, chacun d’entre nous a ses moments à ‘lui’. Le fait qu’il travaille la nuit est aussi utile pour nous pour la voiture. On se la partage: quand il revient de sa nuit, on se passe le relai, je pars travailler et lui va dormir. Il y a aussi toujours quelqu’un à la maison. Le seul inconvénient, selon moi ce sont les invitations qui ont lieu un jour précis et pour lesquelles il n’est pas possible de changer la date.
Le fait que cela se passe bien est aussi lié à notre personnalité : on apprécie les moments seul et on apprécie d’autant plus les moments ensemble. Le fait de travailler la nuit et dormir le jour ne le dérange pas. Il s’est habitué à dormir le jour mais il y a des personnes qui ne savant pas travailler selon cet horaire. Pour ne pas que son attention basse la nuit, il essaie de rester vigilant, d’être attentif aux bruits, de rester en alerte. Cependant, avec les années, il a des insomnies lors de sa semaine de récupération. Pour bien dormir, il baisse les volets (très importants quand on fait la nuit) et il met des boules Quies. Quant à moi, il y a des nuits lors desquelles je dors moins bien, où je me sens moins bien d’être seule dans la maison. »
Christel Nackers, responsable Equipe de nuit, Centre Saint-Lambert à Bonneville
« Pour beaucoup, il est impératif de se coucher juste après la prestation de nuit »
« Au Centre Saint-Lambert, il existe une équipe qui ne preste que la nuit. Elle est composée d’éducateur(trice)s temps plein et à temps partiel. Je reçois régulièrement des tuyaux des collaborateurs pour faciliter un service de nuit. Ainsi, certains utilisent des applications d’autohypnose pour s’endormir. Pour beaucoup, il est impératif de se coucher juste après la prestation de nuit car après 9 ou 10 heures du matin, il est difficile de trouver un sommeil de qualité. En outre il est important de se mettre dans les mêmes conditions que lorsque l’on dort la nuit : l’obscurité, le calme, GSM coupé… C’est souvent un difficile exercice d’équilibre. Ainsi il y a une mère de famille qui s’occupe de ses enfants en rentrant de sa nuit. Elle fait de longues siestes. Pour certains, après plusieurs années en travail de nuit, les insomnies sont fréquentes. La recherche de solution n’est pas évidente. D’autres à temps partiel sont contents d’arriver à leur 5e et dernière nuit. A temps plein, ils en prestaient 7 ou 8 de suite. Pour éviter les coups de pompes pendant les prestations, il est recommandé de rester en mouvement, passer dans les chambres. Beaucoup, par précaution, ont des sonneries régulières sur leur GSM. Il semble que cela ne soit pas évident de trouver une recette miracle pour avoir un sommeil de qualité et récupérateur en journée quand on preste la nuit. »